Édition 052 - mi-juin 2024

L'ÉDITORIAL

Face à l’extrême droite, faisons front populaire !

Une exception française à mettre à l’actif des gouvernements successifs, qui ont travaillé à leur propre discrédit en sacrifiant systématiquement le monde du travail aux exigences des lobbies financiers : toujours plus pour la rente actionnariale, toujours moins pour la rémunération du travail, toujours moins pour l’impôt, toujours moins pour le financement des retraites.

Démolition des services publics

La stigmatisation systématique de l’impôt, l’évitement fiscal et la fraude mettent à mal la fonction publique. L’hôpital ne peut plus assurer le niveau de soin qui était encore garanti il y a trois décennies. Médecins et infirmiers renoncent à exercer leurs métiers. Les enseignants fuient l’école, souffrant de l’absence de considération de leur administration, par ailleurs exsangue, du sous-effectif, de la sous-rémunération en dépit des qualifications et des risques d’agression, tant l’école concentre tous les problèmes de la société.

La police, dont la formation initiale a été amputée aux dépens de la sécurité publique, est en proie à l’épuisement, tant le néolibéralisme a installé la violence dans notre société.

Le professionnalisme n’est plus reconnu ni rémunéré

Dans le secteur privé, la précarisation du travail et la réduction des durées et montants de l’indemnisation du chômage fragilisent singulièrement les jeunes et les seniors. Pourtant, le ministre Attal n’en démord pas  : il fera passer sa réforme par décret.

Dans les entreprises, le professionnalisme, le diplôme et la prise de responsabilité ne sont plus ni reconnus, ni rémunérés  : les renégociations des classifications et des grilles salariales, conduites tambour battant par le Medef, instaurent pour principe la rémunération des seules compétences utilisées, avec une valorisation fluctuante en fonction des objectifs de l’entreprise. Résultat  : le salaire n’est plus garanti.

Cette même logique inspire le projet de suppression des catégories A, B et C de la fonction publique.

Déception et ressentiment

Les perspectives de développement de carrière disparaissent  : immense est la déception, voire le ressentiment des ingénieurs, cadres, techniciens et professions intermédiaires attachés au sens du travail, et des agents de la fonction publique qui se sont engagés pour accomplir une mission au service de leurs concitoyens, c’est-à-dire une mission de service public.

Ceux qui soutiennent les politiques néolibérales font des immigrés leurs bouc-émissaires. Ils omettent de dire que ces derniers fuient la misère créée justement par le néolibéralisme  : captation des ressources géologiques, installation de pouvoirs corrompus, confiscation des richesses créées qui forment un terreau fécond pour les intégrismes religieux.

20  % de votes Rn parmi les cadres

On comprend la colère, l’inquiétude du lendemain et le ressentiment qui se sont exprimés dans tous les milieux socio-professionnels  : 20  % de votes Rn parmi les cadres, 29  % parmi les professions intermédiaires et les retraités, 53  % pour les ouvriers…

Mais le ressentiment, l’inquiétude ou la colère, si justifiés soient-ils, ne font pas un projet de société. Avec les élections législatives des 30 juin et 7 juillet, nous voici à la croisée des chemins.

Rappelons un fait historique  : l’extrême droite arrive au pouvoir par des voies démocratiques mais s’y maintient durablement en instaurant des régimes autocratiques – Italie, Espagne, Allemagne des années 1930, Amérique latine, etc.

Et pour cause  ! Les partis populistes promettent tout, en se gardant bien de dire comment ils financeront. En prenant sur la rémunération des salariés, en étranglant artisans et petites entreprises  ? Ou en prenant à leurs donneurs d’ordre, ces grandes firmes internationales qui n’ont pour objectif que la maximisation du profit pour l’actionnaire  ?

S’abstenir, c’est renoncer à prendre son destin en main

Le Rn commence à se dévoiler  : plus question d’abroger la réforme des retraites… et pour cause, le financement ne peut se faire qu’en prélevant sur les profits !

Sur une ligne de crête entre le meilleur et le pire, il appartient à chacun de prendre ses responsabilités : s’abstenir, c’est renoncer à prendre son destin en main.

Avec un projet progressiste pour le monde du travail, un Front populaire vient de se constituer et promet l’abrogation de la réforme des retraites, de la réforme du chômage promise par Attal, l’indexation des salaires sur les prix, le relèvement des retraites et des minima sociaux.

Ce projet détaille les modalités de financement qui concourent à ramener la rémunération du capital à ce qu’elle était au début des années 1980  : 25  % contre 35  % du produit intérieur brut aujourd’hui. Dix points qui nous manquent pour renouer avec une société réconciliée et apaisée ! 

Alors, ingénieur·es, cadres, professions intermédiaires, toutes et tous, aux urnes contre le populisme et pour le progrès social !

L'ÉDITORIAL

Vu d’Europe – Un appel des inspecteurs du travail

Après une session plénière bondée, en mai, pour clôturer la 9e législature (2019-2024) du Parlement, nous avons poursuivi nos réunions avec les groupes politiques à Bruxelles, ainsi qu’avec les candidats locaux lors de leurs tournées de prospection. Nous poursuivrons ces activités de « plaidoyer » en attendant le résultat du scrutin. 

Nous tâchons de planifier une meilleure représentation des personnes ayant besoin de soutien au cours de la 10e législature (2024-2029). 

Avec les inspecteurs du travail

Dans le cadre de notre projet «  Flexibilité au travail  », nous avons engagé des discussions approfondies avec des inspecteurs du travail de toute l’Union européenne qui ont abouti, en collaboration avec la Fédération syndicale européenne des services publics (Epsu), à une déclaration commune appelant à une action européenne pour faire face à la crise montante dans leur profession. Eurocadres et Epsu ont une longue tradition de lutte pour les droits de ces salarié·es, il s’agit d’obtenir des garanties car, comme le dit l’appel, «  ceux qui protègent les travailleurs doivent également être protégés, soutenus et respectés  ». 

Leur capacité à mener leurs missions est un élément fondamental du succès ou de l’échec de la législation européenne et nationale. Dans certains pays, la détérioration de leurs conditions d’exercice a amenuisé les mesures préventives et entraîné une augmentation des accidents du travail. 

Si les nouvelles formes d’organisation du travail ont contribué à ces problèmes, le sous-financement de ce service public reste une question centrale, les nouvelles règles fiscales de l’Ue risquant d’aggraver encore la situation. 

Pour des emplois de qualité  : comment  ?

Nous avons célébré le 1er Mai, et avons rencontré les cinq principaux groupes européens (à l’exclusion des groupes d’extrême droite Ecr et Id) pour évaluer leur prise en compte des revendications syndicales et de certaines questions-clés pour le monde du travail.

Une recherche rapide des occurrences de certains termes dans leurs documents de campagne révèle, par ordre décroissant  : travailleurs (62 mentions)  ; syndicats (19)  ; santé mentale (6)  ; austérité (4)  ; santé et sécurité (3). 

La plupart des professions de foi font référence au besoin d’emplois de qualité en Europe, protégés pendant et après la double transition verte et numérique. Les travailleurs sont clairement une préoccupation majeure pour ces groupes, bien que, de manière remarquable, leur santé et leur sécurité ou leurs conditions de travail n’aient pas la même importance ni la même priorité. 

La santé mentale et les risques psychosociaux ont pourtant été des sujets importants tout au long de la législature écoulée, avec de nombreux rapports, plans et initiatives. Mais cela ne s’est pas répercuté dans la campagne électorale. Il est encourageant de voir que les principaux groupes ont bien conscience du rôle des syndicats, et de la nécessité de nous consulter. 

Faire entendre sa voix sur les lieux de travail et dans les urnes

Le 9 mai, la Journée de l’Europe a célébré les réalisations de l’Union européenne au fil des décennies. Bien que l’institution soit loin d’être parfaite, il est possible d’y obtenir des normes minimales qui placent les travailleurs sur un pied d’égalité dans tous les États membres. Cela n’est possible que si nous nous engageons dans les processus de l’Ue. Si nous ne donnons pas la parole aux travailleurs, les changements dont nous avons besoin ne se produiront pas. 

Les élections au Parlement européen constituent la meilleure opportunité d’orienter l’Ue dans un sens plus social. Nous n’y parviendrons que si les syndicalistes font entendre leur voix dans les urnes, sur le lieu de travail et dans la rue. Notre message  : Sortez et votez pour des partis et des candidats favorables aux travailleurs !

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